Émission du 22 janvier 2012 sur Canal Académie proposée par Elodie Courtejoie
Nos terres deviendront-elles stériles ? Pourquoi une désertification des sols ? (mp3 24 Mo)
Contenu de la conférence tenue le 13 mars 2012 (pdf 5,5 Mo)
DOI : 10.1684/agr.2012.0543 |
Article extrait : |
Lutter contre la désertification L'espoir agro-écologique Jacques Arrignon Préface de Luc Guyau L'Harmattan, Paris, 2011 Nourrir 9 milliards d'habitants à l'horizon 2050, tel est le défi lancé aux agronomes ; pour y répondre, et sans attendre les alarmes alimentaires récentes, ces ingénieurs ont entrepris depuis plus d'un siècle une lutte intense contre la désertification. Malgré de multiples propositions, des investissements depuis l'échelle locale jusqu'à l'échelle continentale, force est de reconnaître que, hormis quelques réussites, le succès n'est pas venu couronner les efforts déployés. Ce constat est à l'origine de l'ouvrage de Jacques Arrignon, reprise d'une publication antérieure (1987). Utilisant son expérience d'ingénieur agronome très proche du terrain, il propose un vade-mecum simple, très concret, sans considérations théoriques particulières, destiné aux utilisateurs. Son constat aboutit à une observation simple : on n'a pas assez tenu compte de la place des populations directement concernées par cette lutte. Ces éléments ont déterminé le plan général de l'ouvrage constitué de 8 chapitres. L'introduction (chapitre 1 ; 2 pages) situe brièvement les événements internationaux concernant la dégradation des terres arables et l'incidence de cette situation. Le chapitre 2 (5 pages) est une courte présentation de l'interaction climatique. Le chapitre 3 (20 pages) analyse le processus de la dégradation des sols. L'auteur analyse les approches indispensables météorologique, hydrogéologique, agropédologique et, donnée essentielle, le rôle de l'homme dans ces processus. Dans le cadre du chapitre 4 (44 pages), la réhabilitation des sols apparaît comme le processus inverse de leur dégradation : lutter contre les vents, planter des ceintures vertes, lutter contre l'érosion en nappe et contre le ravinement sont autant de visions très concrètes qu'il faut avoir à l'esprit. Il en est de même pour la gestion de l'eau (chapitre 5 ; 81 pages) qui implique la connaissance des ressources et la part et l'origine des flux d'eau disponibles (atmosphère, fleuves, eaux souterraines et eaux salées). Il faut garder à l'esprit le nécessaire partage de la ressource aquatique avec d'autres utilisations telles que la production piscicole. Le chapitre 6 (100 pages) est consacré aux aménagements agroécologiques depuis la maîtrise pastorale, les productions intégrées, l'agrosylviculture, jusqu'à l'utilisation de technologies économes en énergie, éléments essentiels d'une gestion raisonnée du bois, utilisé pour le chauffage et les besoins ménagers. Dans ce contexte, l'utilisation des biotechnologies est essentielle : produire de l'azote organique par compostage, utiliser de l'engrais vert, fabriquer du fumier artificiel sont autant de voies relativement aisées à mettre en place. L'utilisation de l'azote atmosphérique par le biais des symbioses bactéries-plantes sont des voies connues qui peuvent être aisément développées ; les manipulations génétiques pour la plupart mettent en place des techniques déjà anciennes qui sont celles de la sélection et de l'hybridation aussi bien dans les productions végétales (ex : palmier dattier) que dans les productions animales (ex : bovins N'dama). Il est essentiel que ces pratiques modernes soient parfaitement adaptées aux productions du pays concerné par la lutte contre la désertification. Mais quelle est la place de l'homme dans cette lutte ? Ce paramètre est l'objet du chapitre 7 (28 pages), certainement le plus complexe. Il analyse les relations qui s'établissent entre le destinataire des travaux de lutte contre la sécheresse et la désertification, qui se trouve être à la fois utilisateur de méthodes et consommateur des productions. Cela implique l'évolution des modes de vie souvent basés sur le nomadisme. Il faut un éveil conjoncturel associant sensibilisation, vulgarisation et acquisition des savoirs utiles. Il faut aussi que cet utilisateur participe à la décision, ce qui implique une prise de conscience individuelle et collective, une vision claire de la gestion de l'espace rural aride et la mise en place de structures ad hoc pour une gestion ad hoc. « Plus que les injections financières, plus que les projets techniques les mieux étudiés, … c'est plutôt sur l'encadrement et la promotion rurale que doivent porter les efforts des instances nationales et internationales. » La conclusion (chapitre 8 ; 12 pages) met en parallèle les différentes formes d'aides potentielles impliquant de multiples facteurs : parcellisation politique de l'espace, grands espaces économiques, priorité de la formation socioprofessionnelle, choix des actions en fonction de la dimension des projets, intervention de l'État, utilité de la communauté rurale, le microcrédit, l'aide associative. Retenons avec l'auteur que :
La conjoncture fait que l'amélioration des conditions de vie dans les zones arides demande du temps, de l'énergie et une volonté durable de la part des dirigeants et responsables internationaux et nationaux, de l'opiniâtreté, de l'abnégation et de la patience chez les habitants des régions et chez les bénévoles qui leur portent assistance. Cet ouvrage tire sa force de la compétence de son auteur longtemps impliqué dans les opérations internationales de lutte contre la désertification. À l'heure où la demande alimentaire dans le monde va grandissante, la clarté du propos le rend accessible à tous les praticiens gestionnaires de ces milieux mais aussi aux décideurs, développeurs qui, ainsi que le dit Luc Guyau dans la préface, « luttent pour défendre le premier droit de tout Homme de s'alimenter convenablement et durablement ». René Lésel |
Article Marielle Martinez paru dans le Courrier Picard du dimanche 7 mars 2011